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L'art de marcher

par Cristina Cuomo  
Améliorer sa posture, assouplir ses articulations et affiner sa façon de marcher? À tout âge, il est possible d'apprendre à mieux se mouvoir pour entretenir son bien-être!

Pour l’humain, se mouvoir dans l'espace n'est pas une faculté automatique, comme pour d'autres espèces, et demande, dès la naissance, un long entraînement. Apprendre à marcher est un processus très complexe qui nécessite la maturation du système postural, respiratoire et nerveux, et permet d'accéder à une certaine connaissance de son corps pour guider et coordonner ses gestes.

A l'âge adulte, notre marche est le résultat d'un apprentissage souvent plein de lacunes, de faux pas, qui demande une révision, nécessaire pour renforcer ses articulations, améliorer l'efficacité musculaire et surtout garder le plus longtemps possible son autonomie. En répertoriant les diverses étapes qui ont accompagné notre mise en marche, chacun peut améliorer sa façon de marcher, pour retrouver des gestes respectueux de l'architecture du corps et combler des éventuelles lacunes de ses schémas moteurs. Mais surtout entretenir le bien-être, améliorer sa posture et dynamiser ses courants vitaux.

MARCHER : LE MOUVEMENT LE PLUS PRATIQUE DANS LA VIE
Lorsque nous marchons, nous utilisons l'ensemble de nos ressources: le cerveau, les 5 sens, les muscles, les articulations, mais aussi nos organes internes, véritables centrales énergétiques, en rapport avec de nombreuses fonctions.

C'est ainsi que ce mouvement apparemment banal, pratiqué chaque jour que l'on soit sportif ou sédentaire, est un moyen à la portée de tous pour activer les courants vitaux du corps et se recharger à chaque pas. Les effets de la marche sur le physique et sur le mental sont remarquables. Tout le monde le dit : marcher au moins 20 minutes par jour est un gage de santé. Mais je rajoute : à condition de BIEN marcher! En effet, marcher mal, c’est-à-dire en utilisant de manière erronée ses articulations, ses muscles et ses appuis, peut à long terme, abîmer nos engrenages et causer de nombreux problèmes "mécaniques". Il s'agit donc, peu importe l'âge, de "réapprendre à bien marcher"!

Pour rendre plus harmonieuse notre marche et surtout profiter de ses bienfaits, on peut utiliser des moyens simples : les mouvements primitifs pratiqués par les bébés pour se mettre debout. Des gestes propres à la nature humaine (rouler, ramper, marcher à quatre pattes...), que l'on a tous pratiqués pour apprendre à marcher en favorisant de ce fait l'organisation neurologique de notre cerveau, immature à la naissance. Cependant, ces mouvements, bien que programmés génétiquement sont rythmés par l'environnement, par la qualité des stimuli qu'on reçoit pendant les premiers mois de vie postnatale. C'est pour cela que souvent l'apprentissage de la marche n'est pas toujours complet ou mal organisé, nous empêchant à l'âge adulte, de bien marcher.

Répéter avec précision ces mouvements permet de mettre à jour les schémas moteurs qu'on utilise tous les jours pour nous mouvoir et marcher, tout en remodelant les fondations sur lesquelles on se tient debout.

Retrouver ces mouvements initiaux, les adopter pour mieux habiter son corps, permet également de renforcer son équilibre, de prolonger en même temps son autonomie.

Certaines personnes retrouveront une souplesse articulaire oubliée depuis des années, ainsi qu'une posture plus confortable, un meilleur équilibre et des gestes plus fluides. D'autres constateront des effets sur la respiration, sur la manière de s'asseoir ou de tenir leur dos. D'autres encore sentiront des effets au niveau de la mémoire, leur permettant d'accéder sans effort à leurs souvenirs ou de retenir facilement une nouvelle langue et d'entamer, pourquoi pas, des nouvelles études.

En effet, lorsqu'on récapitule à l'âge adulte les étapes évolutives de la marche, on stimule parallèlement des nouveaux circuits synaptiques, affinant de ce fait l'organisation neurologique et donc les performances de notre cerveau.

La plasticité du cerveau, stimulée par ces mouvements primitifs, crée donc des nouvelles connexions offrant des nouvelles possibilités de mouvement et d'apprentissage. Le schéma corporel améliore également la qualité de ses configurations, entraînant un changement profond et bénéfique des gestes qui accompagnent la vie de tous les jours. Ainsi, les personnes ayant des problèmes de latéralité (orientation droite-gauche} vont acquérir des repères dans leur corps qui leur permettront de mieux s'orienter dans l'espace.

On active des ressources souvent inexploitées, on améliore nos capacités communicatives, nos facultés manuelles et intellectuelles. Pour faire ce travail, l'âge n'est pas un obstacle, bien au contraire!

Il est d'ailleurs intéressant de noter que les personnes âgées qui ont acquis l'art de marcher, sont étonnées de retrouver un nouvel élan, une nouvelle dynamique de vie, autant au niveau physique que psychique. Cela permet également de faire un voyage au cœur de son enfance pour retrouver des souvenirs, bien souvent très agréables.

MARCHER, PARLER, PENSER
Lorsque l'on observe un nouveau-né gigoter, il est difficile d'évaluer l'énorme travail qui s'accomplit sans cesse dans son corps. Si nous pouvions voir à l'intérieur, nous verrions qu'en même temps qu'il active ses muscles, il trace les réseaux de son système moteur. Ces circuits vont permettre l'éclosion du langage et l'élaboration de la pensée. Il y a trois étapes fondamentales à franchir dans l’évolution de l’humain : marcher, parler, penser. C’est ainsi que seulement après avoir maîtrisé certains mouvements, on sera capable d’accéder à des niveaux plus élaborés comme la parole, l’interprétation du langage et la pensée. Toutes les facultés qu’on manifeste à l’âge adulte utilisent les mêmes circuits neurologiques, racés pendant l’apprentissage de la marche.

Dès lors, la qualité de notre vie dépend de la qualité du travail accompli pendant nos premiers mois de vie. De la position horizontale, complètement soumise à la gravité, on passe à la verticale… mais pour faire ce parcours, combien d’efforts à fournir, combien d’étapes à franchir !

Les premiers pas de bébé sont le miroir de l’organisation de son corps, résultat de son "rodage corporel". Ils sont nécessaires pour éveiller chaque muscle, chaque articulation et chaque organe à ses multiples fonctions. Toute cette activité a pour but de construire d’autres niveaux, plus subtils, propres à l’humain et avant tout son cerveau, tour de contrôle de l’organisme, instrument indispensable à la manifestation de son potentiel et à l’expression de sa conscience.

C’est en 1950 que le neurochirurgien américain Temple Fay a entamé ses recherches sur la plasticité cérébrale. D’abord, il a observé que c’est bien le "rodage musculaire" de bébé qui stimule le développement d’un réseau incroyable de connexions nerveuses, nécessaires au contrôle volontaire de sa motricité. Ses études ont ainsi mis en évidence le rôle du mouvement dans l’évolution de l’humain.

Le mouvement est donc l’essence même de la vie car c’est à travers lu que la vie évolue. Nous sommes tous passés par des gestes désordonnés, précédant la locomotion : rouler, ramper, marcher à quatre pattes, des mouvements (génétiquement programmés) qui constituent les codes évolutifs, les étapes de la motricité humaine.

Chaque code est un message qui stimule l’organisation musculaire et nerveuse. Sauter une étape peut endommager la maturation harmonieuse du cerveau et générer des difficultés dans les processus d’apprentissage (problèmes de phonation, de latéralisation, de coordination musculaire…). Une manière erronée de marcher peut être liée à un mauvais "rodage corporel" pendant la petite enfance.

C’est pour cette raison qu’il est envisageable, à tout âge, de réapprendre à marche, pour affiner ses performances physiques et psychiques, garder la forme et soutenir son bien-être. Un moyen simple et à la portée de tous !
Article paru dans le magazine Vitalité Québec Numéro 107
Septembre 2007
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