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Faut-il ou non désherber en jardinage autofertile ?

par Réjean Roy  
Dans mon jardin autofertile, il y a très peu de temps à mettre au désherbage. Ma routine consiste plutôt à maintenir une couche de paillis sur toute la surface du jardin et à choisir minutieusement comment distribuer mes plantes sur les buttes. En 2004, j'ai poussé l'expérience jusqu'à ne faire aucun désherbage. Si le résultat vous intéresse, lisez ce qui suit.

D'UNE BUTTE À L'AUTRE
Mon jardin a été agrandi à plusieurs reprises depuis son implantation en 1995. La partie la plus ancienne en est maintenant à sa onzième saison. C'est une petite section de trois buttes de 35 pieds de longueur. Une autre partie de six buttes en est à sa neuvième saison. Une autre de 17 buttes a sept ans, et la nouvelle section d'environ dix buttes en est à sa cinquième saison. J'ai toujours désherbé le jardin de façon manuelle et toujours maintenu le sol couvert avec un paillis de feuilles sur les buttes et de copeaux dans les allées. Avec le paillis, il est facile lors du désherbage d'appliquer la règle de "tolérance zéro", c'est-à-dire qu'on ne laisse aucune plante non désirée et qu'on enlève minutieusement toutes les plantules dès qu'elles sont détectables.

MES ALLIÉS POUR DIMINUER LE DÉSHERBAGE

1- Le paillis
Le paillis sur les buttes et dans les allées élimine par lui-même la croissance de beaucoup de mauvaises herbes.

2- La "zone contour"
C'est une zone de quatre pieds de largeur qui fait tout le tour du jardin et qui est recouverte en permanence de cartons et de copeaux. On doit renouveler les cartons et les copeaux aux deux ou trois ans pour maintenir leur effet protecteur contre l'entrée des mauvaises herbes dans le jardin.

3- Le non-labour
Comme le sol n'est jamais travaillé, les semences des plantes non désirées ne se retrouvent jamais en surface. Celles qui étaient à la profondeur idéale pour germer l'ont fait durant les deux premières années. Les autres graines vont moisir dans le sol ou attendre, sans succès, un éventuel travail du sol qui les remonterait en surface (les semences de framboisiers peuvent attendre jusqu'à 100 ans).

4- La densité de plantes au jardin
En culture autofertile, on sème plus de plantes sur un plus petit espace, car on utilise les trois dimensions. On cultive sur une hauteur variant de 4 à 20 pieds selon les plantes choisies. Plus il y a de plantes sur la surface cultivée et moins il y a d'espaces libres (les allées), moins il y aura de place pour les mauvaises herbes.

5- Les vivaces
La présence d'un grand nombre de vivaces entre les annuelles maintient en permanence des racines dans le sol, ce qui donne un message négatif aux mauvaises herbes, qui semblent comprendre : "La place est déjà utilisée !". C'est surtout en début de saison (avril, mai) et en fin de saison (septembre, octobre) que l'on voit la différence, car normalement, avec des sections exclusives d'annuelles, il y a moins de plantes au jardin et beaucoup d'espace devient disponible pour la croissance des mauvaises herbes.

6- Des plantes "éliminantes"
Sur la butte qui fait le tour du jardin (la butte contour) et sur les bouts des autres buttes, on cultive des plantes annuelles ou vivaces qui ont la propriété de se défendre ou d'empêcher la croissance des mauvaises herbes. Je parle ici de plantes comme la consoude, la rhubarbe, les pommes de terre, les topinambours, etc.

7- Les plantes couvre-sol
Les plantes, comme les fraisiers, que j'utilise partout dans le jardin ont un effet protecteur contre les mauvaises herbes en leur faisant compétition, et elles servent de paillis vivant. Elles vont se multiplier et se faufiler entre les autres plantes du jardin pour utiliser tous les espaces disponibles et nous produire quelques fraises en bonus. Ne vous inquiétez pas : on peut cultiver au-dessus des fraises toutes sortes de plantes comme les tomates, le chou, les concombres (que l'on fait grimper sur les tuteurs), ou encore, on peut arracher quelques plants de fraises pour semer nos graines de carottes, de betteraves, etc.

LA CRÉATION DE LA BUTTE ET SON DÉSHERBAGE
A partir du moment où une butte est créée, son temps de désherbage va toujours en diminuant. Les trois premières années, j'ai mis environ six heures de désherbage par 1000 pieds carrés. Les deux années suivantes, le désherbage a diminué à quatre heures, et ensuite, il s'est stabilisé à environ une heure, toujours par 1000 pieds carrés. Il y a eu une année (2002) où je n’ai eu qu’une heure de désherbage pour 10 000 pieds carrés (0,1h / 1000p2). L’année dernière, j’ai tenté une expérience : je n’ai pas désherbé mon jardin et je n’ai ajouté aucun paillis. J’ai donc désherbé le jardin en septembre 2003, puis cette année en août 2005. L'idée de départ était de savoir si, en prenant des vacances d'un an, j'aurais encore un jardin "potable" à mon retour. En culture conventionnelle, il faudrait repartir à zéro, soit enlever la couche de mauvaises herbes bien installée sur toute la surface du jardin au moyen d'un labour ou d'un "écouennage" (c'est-à-dire enlever la couche de terre de surface avec les plantes et leurs racines).

LE RÉSULTAT DU NON-DÉSHERBAGE EN 2004
Le résultat de mon année d'absence a été le suivant : j'ai dû doubler le temps passé au désherbage cette année, soit 2h / 1000 p2. Cela équivaut au temps total de désherbage prévu cette année additionné au temps prévu l'année dernière. Finalement, je m'attends à devoir refaire un léger désherbage à l'automne aux endroits où il y a eu apparition de chiendent. Je m'attends à cinq heures de désherbage supplémentaires, ce qui va porter mon total à 2,5 h / 1000p2. De plus, comme j'ai un fort pourcentage de vivaces au jardin (fruits, petits fruits, fines herbes, plantes qui se ressèment seules, etc.), j'ai quand même eu 80% de ma récolte normale l’année dernière et je me prépare à une récolte normale cette année. Seule ombre au tableau : une maladie a attaqué mes framboisiers pour la première fois. Ont-ils été affaiblis par leur trop forte densité et le manque de paillis ?

JARDINAGE AUTOFERTILE N’ÉGALE PAS ZÉRO DÉSHERBAGE
La méthode de culture autofertile maintient une bonne santé générale de l’ensemble des plantes du jardin tout en minimisant le travail à effectuer. On peut aussi remettre à plus tard des travaux comme le désherbage sans perdre le contrôle des mauvaises herbes. On peut se permettre des vacances ou tout simplement être paresseux à certains moments, mais attention : remettre à plus tard ne veut pas dire à jamais. Même s’il y a très peu de désherbage à faire, on doit quand même faire un désherbage minutieux et régulier du jardin et maintenir un paillis partout pour en garder le contrôle. L’apparition des mauvaises herbes à certains endroits est un indicateur qui devrait nous parler : cela nous indique un manque de paillis (sol à découvert) ou un manque de plantes (manque de racines pour nourrir les bactéries du sol). En maintenant ce contrôle du paillis et des plantes, il n’y a pas de maladie qui apparaît dans le jardin, mais dès que l’on néglige trop, celle-ci se dépêche de se développer.

En attendant, je vais aller au jardin regarder s’il y pousse quelques mauvaises herbes, car à l’avenir, je vais essayer de tenir le décompte de chaque sorte de mauvaises herbes. Je vous parie qu’en 2006 je vais avoir moins de 30 pissenlits, 50 chiendents, 10 prêles… ce qui serait insignifiant pour tout jardin de cette superficie.
Article paru dans le magazine Bio-bulle no 62
Octobre 2005
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