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Qu'apporte la permaculture ?

par Réjean Roy  
Une première chose que l'on me dit souvent après une activité de formation en permaculture, c'est que ça change notre façon de penser et de voir les choses. La permaculture nous ouvre les yeux sur tout un nouveau monde de possibilités auxquelles on n'avait pas pensé. On découvre l'immense potentiel que la nature met à notre portée et qui est encore peu utilisé par l'humain.

Beaucoup d’éléments utilisés dans le développement durable ont été tirés de la collection des idées, trucs et concepts qui ont été répertoriés sous le nom de permaculture. Cette science permet un développement durable de l'agriculture, mais aussi de l'élevage, de l'énergie, de la conservation de l'eau, de l'économie d'argent et de travail. On laisse travailler pour nous le vent, le soleil, les animaux sauvages et les micro-organismes. On les laisse faire ce pourquoi ils existent, comme les vers de terre qui labourent la terre, les oiseaux et les grenouilles qui mangent les insectes pour en contrôler la population, les micro-organismes qui décomposent ou sécrètent diverses substances dans le sol et dans les plantes.

L'ART DE FAIRE RESSORTIR LES FORCES DU TERRAIN
La permaculture utilise aussi le côté rationnel de l'humain pour diviser le terrain en zones et secteurs. On peut ainsi maximiser le potentiel de chaque parcelle de terrain au lieu d'essayer de tout niveler, de tout rendre pareil, d'enlever tout ce qui caractérise la diversité du milieu. On peut, après ce petit travail, faire ressortir les forces du terrain. Il est simple après cela de savoir quel est le meilleur emplacement pour tout ce qui entre dans le "système". Par exemple, on sait maintenant que nous avons une ou deux zones propices pour les plantes basses ayant besoin de beaucoup de soleil, on connaît les bons emplacements pour les plantes qui aiment l'eau comme pour celles qui préfèrent un sol sec, on a sélectionné une zone spécifiquement pour les plantes très hautes (grands arbres), on connaît le meilleur emplacement permettant de tirer le maximum de la serre, du poulailler, de la remise, etc. On sait aussi où mettre des plantes piquantes qui auront un impact repoussant sur les chevreuils pour les dévier gentiment vers des lieux où ils seront moins dérangeants, etc.

L'EMPLACEMENT DES BÂTIMENTS
On apprend aussi où situer les structures et bâtiments de façon à les utiliser comme brise-vent, écran solaire, réflecteur de lumière, tuteur, etc. On apprend à faire en sorte que chaque production aide l'autre: par exemple, en joignant la serre et le poulailler, on peut économiser sur le chauffage. La serre chauffe le jour et les poules dégagent de la chaleur la nuit; on économise aussi sur la ventilation; les plantes donnent de l'oxygène aux poules, et les poules le transforment en gaz carbonique bénéfique aux plantes; les reste des plantes de la serre est donné à manger aux poules, et le fumier de poule fertilise les plantes de la serre et beaucoup d'autres encore. Chaque production étant plus performante et plus économique avec moins d'effort, on améliore les résultats. En retour, le producteur découvre que sa vie en est simplifiée et plus sécurisée, car la diversité de production minimise les risques de l'ensemble. On n'a pas besoin de "méga-fermes", on peut réduire la taille des fermes et revenir à des productions paysannes.

SAVOIR TIRER PROFIT DE L'ANCIEN ET DE L'AUJOURD'HUI
Les créateurs de la permaculture ont répertorié tous les trucs des anciens permettant de réduire les efforts et les dommages à l'environnement. On n'y a gardé que ce qui est naturel, simple et qui fait partie d'un mécanisme déjà présent dans la nature. On ne fait que canaliser cette "énergie" vers des endroits choisis. A tout cela, on ajoute les connaissances, les outils et la machinerie modernes pour tirer le meilleur des deux mondes. Voyons un exemple... Autrefois, on mettait du paillis au sol pour réduire l'évaporation et les mauvaises herbes en plus de nourrir le sol, et ainsi, on diminuait le temps à mettre pour l'arrosage et l'entretien du jardin. On se retrouvait parfois avec une infestation de limaces à cause de la présence du paillis dans le jardin. Depuis, on a presque partout abandonné l'utilisation du paillis parce qu'on ne savait pas comment se débarrasser naturellement de ces limaces. Aujourd'hui, on connaît les prédateurs des limaces et on sait comment les attirer au jardin pour contrôler de façon naturelle la population de limaces et éviter ainsi que le jardin soit ravagé. Les connaissances sur l'aménagement des petits plans d'eau au jardin nous permettent aujourd'hui de revenir à l'utilisation du paillis sans avoir de problème avec les limaces. Les oiseaux, grenouilles, crapauds, couleuvres et salamandres sont nos alliés qui se cachent au plan d'eau pour contrôler la population de limaces dans le jardin.

SAVOIR COMPTER SUR LES FORCES DE LA NATURE
On se retrouve avec un effet sécurisant, car on double ses chances de réussite en comptant sur l'utilisation des forces de la nature et sur la capacité humaine. On apprend à voir et à agir autrement. Au lieu d'avoir des réactions de peur devant les choses, on les comprend et on les utilise. Comme le dompteur ou le spécialiste qui apprend à vivre avec les loups ou les gorilles. Dans le cas des loups, on peut avoir peur et mal réagir, et dans ce cas risquer de se faire blesser, ou on peut apprendre à les comprendre. On peut ensuite les dompter et les utiliser comme des chiens (dénaturés), ou on peut aller vivre dans la meute et bénéficier de la protection du groupe. Il en va de même pour les insectes et les maladies: on peut chercher à les détruire, à les utiliser d'une façon qui ne convient pas à leur nature, ou les laisser vivre tout en profitant de ce qu'ils ont de bon. En permaculture, on les laisse vivre selon leur nature tout en bénéficiant de leur travail. Par exemple, les limaces et les laitues: dans un jardin en permaculture, la population de limaces est contrôlée, et il n'y en a pas assez pour faire du dommage aux laitues. Mieux encore, l'agression faite aux laitues par les quelques limaces présentes va faire réagir les laitues qui, pour se protéger, vont aller jusqu'à doubler leur production de feuillage et de ce fait augmenter notre production et nos rendements.

En permaculture, on voit la nature comme un allié plutôt que comme un problème. On prêche l'équilibre: on donne autant qu'on reçoit. Il est possible de choisir ce qu'on va lui prendre ou recevoir d'elle. En retour, on peut lui donner ce qu'on a planifié de partager avec elle, comme du paillis, des plans d'eau et des surplus de production.

La planète réagit à ce qu'on lui fait. Elle se protège de nos agressions en nous agressant à son tour. Si on la détruit ou si on la pollue comme on le fait de notre couche atmosphérique, elle réagit en provoquant plus de tempêtes, d'inondations, de sécheresses et de feux de forêt. L'eau, à son tour, nous retourne une eau empoisonnée dans des lacs et des rivières où la vie n'est plus possible; elle peut aussi déborder ou s'assécher.

Si au contraire on enrichit son sol avec des méthodes naturelles comme avec des paillis, on lui donne une diversité de plantes, on la protège du vent pour compenser le fait que nous lui avons enlevé des arbres pour nos besoins d'espace; on s'assure que les plantes captent tout le soleil disponible au jardin pour le transformer en énergie par la photosynthèse. Alors, en retour, la nature nous donnera des plantes en santé, résistantes aux maladies, et qui produisent en abondance. En plus, la nature va régulariser les cycles entre les ravageurs et les prédateurs de façon à éviter les baisses de production. Si on partage nos surplus de production avec des oiseaux et des microorganismes, alors ceux-ci travailleront pour nous aider.

Toutes ces possibilités et ces résultats peuvent sembler utopiques pour ceux qui sont habitués à des méthodes plus conventionnelles, mais il suffit de regarder ce que la nature peut faire dans des conditions non altérées par les humains. On a des forêts et des prairies sauvages qui produisent depuis des millions d'années de grandes quantités et de grandes variétés sans aide, sans labour ni désherbage, sans dommages majeurs et sans pénuries qui viendraient affamer les troupeaux et habitants sauvages qui y vivent.

ON APPREND À ÊTRE PLUS RESPONSABLE EN APPRENANT CERTAINES LOIS DE LA NATURE

Le "cause à effet"
Tout ce qu'on fait a des répercussions autour de nous, et cela finit par nous revenir sous une forme ou sous une autre. On ne peut pas polluer indéfiniment sans que cela finisse par nous empoisonner; la pollution peut nous revenir dans notre air, notre eau ou notre nourriture. Si on dérange ou si on tue sans retenue des micro-organismes et des insectes, on ne doit pas s'étonner de les voir revenir sous forme d'épidémie, de mutants ou de résistance.

"Nos droits s'arrêtent là où ceux des autres commencent"
Nous savons tous que nous n'avons pas le droit de priver notre voisin de son soleil, pas plus que de drainer notre terrain sur le sien. Il en va de même pour le sol: ce n'est pas parce que je l'utilise pour me nourrir que ça me donne le droit d'affamer ou de tuer tous les organismes qui y trouvaient leur subsistance. Il est très facile avec certaines techniques de produire plus tout en laissant une partie de la récolte a nos alliés. De la même façon, à une autre échelle, ce n'est pas parce que je ne gère pas bien mes excréments que cela me donne le droit d'empoisonner les rivières et la nappe phréatique; à titre d'exemple, pensons aux égouts qui se déversent dans les rivières ou les fossés sans être épurés, tout comme nos champs d'épuration qui ne sont en fait que des champs de dispersion très polluants; il faut aller voir les méthodes d'épuration naturelles avec des roseaux sur Internet.
Article paru dans le magazine Bio-bulle no 58
Mai 2005
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