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Les petits fruits en jardinage autofertile

par Réjean Roy en collaboration avec Carole Lesage  
Photo: Stéphanie Hotte
En culture autofertile, les petits fruits ont droit à une grande place au jardin. Nous verrons dans ce qui suit une liste des petits arbres fruitiers, l'emplacement qu'on leur réserve au jardin, leur rôle particulier et comment les entretenir en culture autofertile.

LA DIVERSITÉ
Il y a beaucoup d'arbres et d'arbustes fruitiers que l'on peut intégrer au potager autofertile: fraisiers, framboisiers, bleuets, mûriers, groseilliers, pruniers, cerisiers, gadeliers, cassissiers, kiwis, vignes, noisetiers, oliviers, aubépines, canneberges, cornouillers, sorbiers, sureaux noirs, bourdaines, argousiers, églantiers (rosiers), etc.

LA LOCALISATION
La façon dont on aménage les buttes en culture autofertile nous permet d'utiliser les variations d'exposition au soleil pour améliorer la vivacité de nos plants. De plus, l'orientation des buttes nous permet de placer ces plants de façon à leur donner une exposition particulière, comme par exemple: le soleil du matin (côté est); le soleil du soir (côté ouest); une zone sans soleil direct (côté nord); ou une zone de soleil direct en tout temps (côté sud).

Certaines plantes, comme les groseilliers, préfèrent le soleil du matin; on les placera donc à l'est afin de leur permettre de développer une énergie vitale supérieure et ainsi mieux résister aux attaques et aux maladies tout en produisant mieux. Le gadelier, lui, aura avantage à être placé du côté nord, pour donner son maximum.

En résumé, même dans un jardin avec une pleine exposition au soleil, on peut donner aux plants ce dont ils ont besoin en termes de lumière simplement par la façon d'aménager les buttes et par la disposition des plantes entre elles.

LA RÉCOLTE
Pour le consommateur-amateur, le plus intéressant est de pouvoir récolter des variétés hâtives, normales et tardives de façon à allonger la saison. On peut aussi avoir une diversité d'arbustes fruitiers qui nous donne quelque chose à manger pour chaque mois de la saison. Comme il n'y a que très peu de travaux d’entretien en culture autofertile, il nous reste beaucoup de temps pour récolter et profiter à chaque jour des petits fruits ayant pleinement mûri.

L'ENTRETIEN
Les plants cultivés dans un jardin autofertile nécessitent moins de soins que dans les autres modes de culture. Les tiges très longues, comme par exemple celles des framboisiers, n'ont pas à être raccourcies, car la vitalité d'un sol autofertile rend la plante capable de subvenir à ses besoins, même avec des tiges à pleine grandeur. Par contre, si la plante devait avoir besoin que ses tiges soient raccourcies, c'est grâce à la diversité présente dans le jardin qu'un insecte ou un microbe s'en chargera de façon naturelle, tel que la nature a prévu de le faire. L'anneleur des framboisiers, par exemple, n'attaquera que les tiges qui le nécessitent, et il sera lui-même éliminé dès que sa présence ne sera plus nécessaire au jardin, et ce, toujours grâce à cette merveilleuse diversité.

10 ALLIÉS CONTRE 1 NUISIBLE
On n'aura donc plus à craindre la possibilité d'une infestation ou encore de répandre la maladie, car la gestion par la nature est basée sur l'équilibre et non sur la peur. Lorsque c'est la nature qui fait le travail, elle le fait de la bonne façon, au bon moment, et selon la quantité et la durée requises. Qui dit équilibre ne dit pas perte de récolte, ni invasion massive d'un ravageur, d'une maladie ou de quelque problème que ce soit, car la nature en santé et sans entretien existe depuis des millions d'années, et les seuls fléaux qu'elle a connus étaient surtout causés par l'homme.
La compétition dans le sol crée un équilibre entre les différents organismes en entretenant une proportion de dix alliés contre un nuisible.

Les vieilles tiges n'ont pas besoin d'être enlevées, car notre sol, étant très vivant, va se nourrir de toutes les matières végétales mortes, que ce soit le paillis au sol ou les restes de plantes. Par exemple, encore pour le framboisier, les vieilles tiges seront coupées à la base par les insectes, bactéries et moisissures présents dans le paillis et, après quelques journées de grand vent, les tiges vont tomber d'elles-mêmes au sol, finir leur décomposition et disparaître complètement vers le milieu de la saison sans créer de chaume ou "étouffer" le plant.

L'entretien consiste uniquement à maintenir un paillis présent en permanence au sol, de façon à permettre à la biodiversité et à l'équilibre d'exister. Donc, pas de taille, pas de désherbage, pas de surveillance des maladies et insectes, pas de pulvérisation de pesticides chimiques ou naturels, pas d'application d'engrais ni de suppléments, car le sol y pourvoit sans difficulté, et enfin, pas non plus à gérer le pH, car il suffit de choisir des paillis qui correspondent aux besoins des plants.

L'ASSOCIATION
L'association est la combinaison de plusieurs plantes différentes sur une même butte. C'est la version améliorée et simplifiée du compagnonnage. On dit "simplifié", car lorsqu'on a plus de sept sortes de plantes sur une même butte, l'effet est réparti sur l'ensemble des plantes de sorte que le compagnonnage n'est plus nécessaire.

On met sur chaque butte quelques fleurs, quelques plants de la famille des liliacées (ail, oignon, poireau, ciboulette, échalote, etc.), des plantes fixatrices d'azote (fèves, pois, lupins, caragana, etc.), quelques vivaces pour avoir des racines vivantes pendant tout l'hiver (fleurs, petits fruits, ail, fraises en couvre-sol, rhubarbe, fines herbes, plantes médicinales, etc.), des plantes qui laisseront des racines mortes l'hiver (tomates, choux, poivrons, etc.), des plantes dont on arrachera les racines (carottes, navets, etc.), des plantes odorantes (fines herbes, fleurs, tomates, etc.), des plantes de différentes hauteurs (couvre-sol, basses, moyennes, hautes, grimpantes, arbustes, arbres). Donc, peu importe la plante choisie dans chacune des catégories, l'ensemble aura un impact plus grand que n'importe quel compagnonnage.

La présence des petits fruits au jardin aide le sol et les autres plantes, car leurs racines vivantes et permanentes dans le sol permettent d'y entretenir la vie. Cette vie aide grandement les autres plantes du jardin, plus particulièrement les plants d'annuelles, qui sauront tirer profit de cette abondance bactérienne pour mieux se nourrir et développer un système de défense plus fort, plus rapidement après la plantation, tout en ayant une croissance plus rapide au printemps après le semis ou le repiquage au jardin. On gagne facilement trois semaines sur la croissance d'un même plant semé dans un sol sans vie.

L'ARROSAGE
Les arbustes fruitiers aident aussi les plantes annuelles qui les entourent en échangeant avec elles l'eau et les minéraux que leurs racines véhiculent. Les racines des vivaces étant plus profondes, elles résistent mieux aux sécheresses en allant puiser leur eau dans la nappe phréatique pour la ramener en surface.

Chez moi, je n'arrose le jardin en moyenne qu'une seule fois par année, car certaines années je ne fais aucun arrosage, tandis que d'autres années, deux arrosages sont nécessaires, et ce, depuis que mon jardin a plus de trois ans (les trois premières années, j'ai dû arroser cinq à dix fois par année, car même mes vivaces étaient trop jeunes pour se suffire en eau).

LA MULTIPLICATION
Grâce au paillis, les branches basses des arbustes fruitiers s'enracinent mieux et se multiplient plus facilement. Il ne reste qu'à couper les branches ayant fait leurs racines pour avoir de nouveaux plants.

L'ABONDANCE
Tout ceci nous donne une grande abondance de petits fruits et de légumes au jardin. Il est agréable de se lever le matin et d'y "déjeuner-dîner". Mon seul problème est qu'il faut que je m'arrête même si j'ai encore le goût d'en manger, car la capacité de mon estomac est plus petite que celle de ma gourmandise, d'où l'expression "avoir les yeux plus grands que la panse". Mais le simple fait de penser à la joie que me procure chaque déjeuner avec ses nouvelles surprises à chaque jour, suffit à me faire patienter jusqu'au lendemain.

Ces déjeuners peuvent être vus comme une cure de fruits frais et délicieux. Comme ma production dépasse de beaucoup ma capacité à "déjeuner-dîner", je dois congeler ou déshydrater les surplus, d'où une économie considérable à réaliser.

Ainsi passe l'été... D'un petit matin à l'autre, une nouvelle récolte m'attend pour déjeuner!
Article paru dans le magazine Bio-bulle no 50
Juillet 2004
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