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Le karité, arbre de vie

par Stéphanie Plamondon, Ac., M.Sc., anthropologue médicale   www.noblessence.com
Qui n’a pas eu le bonheur d’étendre un peu de beurre de karité, riche et onctueux, sur une partie asséchée de son corps, comme les Africaines le font pour contrer la sécheresse du climat de la savane sahélienne ?

Qu’il soit beige ou doré, provenant du Burkina Faso, du Nigeria ou du Sénégal, le beurre de karité séduit l’Occident depuis l’époque coloniale, mais cet intérêt s’est intensifié depuis une quinzaine d’années. En fait, il est dit que de tous les produits africains, le beurre de karité est maintenant celui qui est le plus convoité en raison de ses vertus médicinales et cosmétiques exceptionnelles. Pourtant, en Afrique, on le produit et consomme depuis des milliers d’années. Que contient cette matière première qui fascine tant ?

UN PEU DE BOTANIQUE
Le beurre de karité provient d’un arbre, le Vitellaria paradoxa syn Butyrospermum parkii, qui croît à l’état sauvage et s’étend tout le long de la ceinture sahélienne sur une distance de plusieurs milliers de kilomètres, traversant près d’une vingtaine de pays, du Sénégal jusqu’à l’Éthiopie. Il pousse fièrement parmi les nérés ainsi que les baobabs et tire son nom du wolof sénégalais, qui le nomme ghariti.

Le karité est un arbre majestueux, qui peut mesurer plus de 15 mètres et dont le diamètre du tronc peut facilement excéder 1 mètre. Sa démesure impose respect et patience; aussi lui faut-iI 15 à 20 ans pour produire ses premières fleurs et jusqu’à 50 ans pour atteindre sa pleine maturité. Il offrira ensuite ses fruits pendant 200 et parfois même, jusqu’à 300 ans. Pas étonnant qu’en langue mandingue, karité veuille dire «vie».

L’arbre à karité produit un fruit pulpeux et sucré, semblable à une petite pomme, qui renferme une noix; c’est de son amande qu’est extraite la précieuse matière grasse. Rendu à maturité, un arbre peut produire en moyenne 20 kg de fruits annuellement et 5 kg d’amande sèche, mais il arrive que certains arbres vénérables produisent jusqu’à 50 kg du fruit juteux. Les principaux pays producteurs de la noix de karité sont le Nigeria (55 % de la production mondiale), le Mali, le Burkina Faso, le Ghana et la Côte-d’Ivoire.

LA FABRICATION DU BEURRE DE KARITÉ : UNE EXPERTISE FÉMININE
La transformation de la noix de karité en beurre est une activité très exigeante physiquement et est assurée depuis très longtemps par les femmes, qui le produisent selon des méthodes traditionnelles transmises de génération en génération. Jusqu’à tout récemment, la production était accomplie entièrement de façon manuelle et s’étalait sur plusieurs journées de travail ardu.

Bien que sa fabrication puisse s’étendre sur toute l’année, la saison de la cueillette débute en mai et se poursuit jusqu’en septembre. Les paysannes, parfois accompagnées de leurs enfants, se rendent dans la brousse pour amasser les fruits tombés au sol (jamais cueillis dans les arbres, pour ne pas les endommager). Le fruit est dépulpé et sa noix est ensuite bouillie, séchée au soleil et concassée, ce qui en extrait l’amande. Celle-ci passe par une série de tris, de lavage et de broyage avant d’être torréfiée et broyée. La pâte qui en résulte est barattée, lavée et cuite. Apparaît alors la fameuse huile qui, une fois décantée et filtrée, sera conditionnée selon les exigences de l’acheteur.

LE BURKINA FASO ET LE VIRAGE ÉQUITABLE
Malgré le fait que le Nigeria soit le plus grand producteur de noix de karité, c’est le Burkina Faso qui est le plus grand exportateur de beurre de karité au monde, où il est le 3e produit le plus exporté hors du continent après le coton et le bétail. Pour les femmes burkinaises, qui sont encore limitées par des contraintes économiques et politiques qui freinent leurs réalisations personnelles et sociales, le beurre de karité est encore plus important puisqu’il représente souvent le seul revenu qu’elles touchent, leur permettant de subvenir aux besoins de leur famille. Au début des années 2000, les paysannes burkinaises ont entrepris de réunir leur force de travail et se sont organisées en coopératives, assistées par des organismes d’aide au développement international comme le CECI. La mise en commun de leur main d’oeuvre et de leur expertise a permis aux productrices de s’émanciper et de prendre le contrôle de leur développement socio-économique.

En 2006, le Burkina Faso est devenu le premier pays à offrir un beurre de karité certifié équitable par Transfair, dont l’un des plus importants pays importateurs est le Canada, avec plus de 18 tonnes d’importations en 2010. La certification équitable du beurre de karité assure ainsi à des milliers de paysannes burkinaises de tirer un salaire juste pour leur dur labeur, leur permettant de nourrir leurs enfants et de leur offrir une éducation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on l’appelle «l’or des femmes» et que le CECI a adopté pour sa campagne sur le karité le slogan « Bon pour vous, bon pour elles ». Aujourd’hui, ce sont 3000 productrices, réparties au sein de 67 associations, qui bénéficient de cet échange Nord-Sud.

LES QUALITÉS
Afin de profiter des propriétés exceptionnelles du beurre de karité, deux critères de qualité devraient guider notre choix lors de son achat : sa couleur et son odeur. D’abord, un beurre blanc signifiera toujours qu’il a été raffiné; il aura alors non seulement perdu pratiquement toutes ses propriétés, mais il pourrait contenir des résidus toxiques des agents qui ont servi à le blanchir. Ensuite, pour les mêmes raisons, le beurre de karité devrait conserver son odeur caractéristique et ne pas être désodorisé.

Un autre critère de qualité qui peut guider notre choix concerne le respect des normes de l’agriculture biologique. Étant donné qu’un karité peut mettre jusqu’à 20 ans pour produire ses premiers fruits, sa domestication est très difficile, voire impossible. Afin qu’un beurre puisse recevoir la certification biologique, il devra, entre autres, être produit à partir d’arbres situés profondément dans la brousse, loin des champs arrosés et des routes polluées. Enfin, pour s’assurer que les paysannes soient rémunérées de façon juste pour le travail qu’elles ont accompli, on choisira un beurre certifié équitable.

LES COMPOSANTES ET PROPRIÉTÉS DU BEURRE DE KARITÉ
Bien que ce soit son beurre qui soit convoité, c’est en fait toutes les parties de l’arbre à karité qui sont utilisées. Tout d’abord, son fruit est comestible et se consomme comme la mangue. Les racines, les feuilles et l’écorce sont utilisées pour fabriquer des instruments ainsi que des remèdes traditionnels. Son beurre sert à la cuisson des aliments, à la confection de chandelles et au traitement du bois. Mais ce sont pour ses propriétés cosmétiques et curatives qu’il est le plus utilisé.

Ce qui rend le beurre de karité si exceptionnel, c’est son portrait lipidique. Il est d’abord l’un des corps gras les plus riches en composantes insaponifiables, ce qui lui confère ses propriétés émollientes et cicatrisantes tant recherchées. Il contient également de grandes quantités d’acides oléique, stéarique et linoléique, le rendant si utile dans le traitement de l’eczéma, des vergetures, des cicatrices et de la peau irritée. Encore plus intéressant, le beurre de karité contient plusieurs esters ainsi que du latex, qui lui permettent non seulement d’apaiser l’inflammation, mais aussi, d’absorber les rayons UV de façon équivalente à une lotion solaire SPF15. Enfin sa richesse en vitamines A et E freine le vieillissement prématuré de la peau et en augmente l’élasticité.

USAGES
Le beurre de karité est souvent ajouté à des recettes de lotions, de savons et de soins capillaires. Voici quelques suggestions quant à la façon de l’utiliser pur.

  • L’application d’un peu de beurre sur les genoux, coudes et talons préviendra et soulagera leur sécheresse.

  • En hiver, une petite quantité de beurre sur les lèvres et les joues des enfants les protégera de l’engelure.

  • Une c. à thé dans le bain adoucira la peau de façon exceptionnelle (attention de ne pas glisser !).

  • Une fois par semaine, on se fera un soin capillaire nutritif et émollient en appliquant un peu de beurre de la racine des cheveux jusqu’à leurs pointes. Après 20 minutes, on lave et rince les cheveux: brillance garantie !

  • Une mince couche appliquée tous les jours sur une vergeture ou une cicatrice en diminuera l’apparence en quelques semaines.

  • Le massage des ongles avec une toute petite quantité de beurre les fortifiera.

  • Pour les muscles endoloris, on fera fondre une c. à soupe de beurre de karité auquel on ajoutera 3 gouttes d’huile essentielle de thé des bois.

  • Pour un soin extrême des pieds, on massera une petite quantité de beurre et on les recouvrira de chaussettes chaudes avant d’aller au lit. Le même principe s’applique pour les mains.

DEUX RECETTES FACILES PERMETTANT D’INTÉGRER LE BEURRE DE KARITÉ À SES SOINS PERSONNELS
Beurre corporel onctueux
2 c. à soupe de beurre de karité
2 c. à soupe d’huile d’olive
2 c. à thé de cire d’abeille

Faire fondre tous les ingrédients à feu très doux et mélanger doucement avec un fouet. Verser dans des pots. Appliquer sur les fesses de bébé, la peau sèche, une cicatrice...

Baume à lèvres
1 c. à soupe de beurre de karité
1 c. à thé de cire d’abeille
1/2 c. à thé d’huile de tournesol
1 capsule de vitamine E
3 gouttes d’huile essentielle de menthe poivrée (facultatif)

Faire fondre tous les ingrédients à feu très doux. Ajouter les gouttes d’huile essentielle. Verser dans de petits pots ou tubes.


La prochaine fois que vous vous procurerez le beurre de l’arbre de vie, ayez une petite pensée pour les femmes africaines qui mettent dans sa production toute leur fierté et savoir-faire ancestral.
Article paru dans le magazine Vitalité Québec No 148
Octobre 2011
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